Nous sommes au début du premier livre de la Bible, la Genèse, peu après les récits de la Création. Le texte du Déluge, un des plus connus de la Bible, est très long puisqu'il compte 3 chapitres, si long qu'il est souvent coupé dans la lecture liturgique. Mais en lisant ce texte en entier, nous pourrons mieux nous interroger sur ce que veulent dire les croyants quand ils disent que la Bible est la "Parole de Dieu".
Ce texte étant très long, nous ne ferons que quelques remarques, suggérant des questions qui doivent conduire à une lecture féconde.
- Comment le texte débute-t-il ? Quel tableau brosse-t-il ? Comment est décrit Noé ?
- Que dit le Seigneur à Noé (chapitre 6, versets 14 à 21) ? Que changent les paroles du Seigneur à Noé au chapitre 7 (versets 1-4) ? Qu'est-ce qui demeure ?
- Quelles sont les indications au sujet de Noé qui reviennent d'une façon ou l'autre ?
- Comment est rapporté le début du déluge au chapitre 7 (versets 11-12 et 17-23) ? Les deux relations se caractérisent-elles par le même souci ?
- La fin du déluge : comment est-elle rapportée au chap. 8 ?
- Que suggèrent les paroles du Seigneur à Noé (chap. 8, versets 16-17) à ceux qui connaissent le récit de la Création du chapitre 1
- Que suggère la fin du texte ?
A une première lecture, certains éléments du texte apparaissent difficiles à concilier. Tentons de répondre aux questions :
- Le début du texte met l'accent sur le coeur de l'homme qui n'est porté qu'à concevoir le mal, ce qui conduit à multiplier sa méchanceté ; en revanche, Noé est juste et intègre. Au passage, il faut noter que si Dieu se repentit d'avoir fait l'homme, c'est qu'il attend de lui autre chose que cette méchanceté : l'homme ne se réduit pas à elle.
- Les paroles du Seigneur à Noé sont des instructions pour avoir la vie sauve lors du déluge : construire l'arche et y enmener les espèces vivantes qui doivent survivre. Cependant, les indications des deux chapitres sont parfois contradictoires : en 6,19, Noé doit prendre un couple de chaque espèce animale, alors qu'en 7,2-3, ce sont 7 couples de certaines espèces qu'il doit enmener. Un souci commun des deux interventions : elles insistent sur la nécessité de préserver la diversité des espèces ; même les animaux "impurs" doivent subsister.
- Pour Noé, le texte insiste sur son obéissance exacte à Dieu.
- Le début du déluge au chap. 7 : les v. 11-12 mettent l'accent sur la solennité de l'événement et de son déclenchement: "l'an 600 de la vie de Noé, au deuxième mois...", alors que les v. 16-17 insistent sur le caractère épouvantable et définitif du déluge où tous périssent.
- La fin du déluge, au chap. 8, est marquée par des contradictions dans le texte : la crue dure 150 jours en 7,24 mais seulement 40 en 8,6. La durée totale de la catastrophe est aussi différente selon les versets : plus d'un an selon 7,11 et 8,13, alors qu'elle ne dure que quelques semaines selon 8,6-12.
- Les paroles du Seigneur au chap. 8, v.17, avec l'invitation à la fécondité, sont très semblables à celles du récit de la Création au chap. 1, v.20-25. Elles invitent à penser à une nouvelle création.
- La fin du texte revient sur la constatation du début : mais quel que soit le coeur de l'homme, Dieu ne fait promesse de ne pas le frapper pour le supprimer. Avec cette reprise du thème du début, le texte du Déluge proclame qu'il est un essai de réponse à cette découverte des tendances mauvaises au coeur de l'homme.
Comment parler de Parole de Dieu pour un texte qui semble se contredire, parfois à quelques versets de distance ? Il faut d'abord préciser que, selon la foi, parler de Parole de Dieu n'annulle pas le fait que les auteurs bibliques soient aussi de vrais auteurs : Dieu parle en inspirant des auteurs humains qui s'expriment selon leurs modes d'expression, leur culture et leur époque ; en outre, son Esprit inspire ceux qui reçoivent cette parole.
La foi exprime ce qui vient de Dieu en disant que le texte biblique ne peut pas nous tromper pour ce qui concerne l'homme et son salut, c'est-à-dire les relations de l'homme avec Dieu et les relations des hommes entre eux.Dans ce contexte, pour reprendre quelques-unes des remarques faites en cours de lecture : le texte du Déluge est parole de Dieu en disant que le mal a de l'importance aux yeux de Dieu, il est parole de Dieu en disant que le Seigneur ne cherchera pas à détruire l'homme, même si celui-ci multiplie la méchanceté. L'insistance marquée sur la nécessité de la diversité des espèces animales nous dit aussi sans doute quelque chose du projet de Dieu.
Quant aux contradictions qui portent principalement sur le déroulement matériel du Déluge, elles témoignent peut-être que le texte biblique actuel regroupe plusieurs traditions conservées malgré leurs divergences de détail. Ce faisant, elles nous disent aussi l'importance qu'a eu ce récit de fondation pour Israël.