POUR UNE PREMIERE APPROCHE DES TENTATIONS DE JESUS
L’Evangile de Luc a rapporté la naissance de Jésus et ses premières années, jusqu’à son baptême par Jean-Baptiste. Toute cette partie se termine lorsque Jésus atteint environ 30 ans, alors qu’il n’a pas encore commencé sa vie publique ; elle est suivie d’une généalogie de Jésus qui le dit "fils d’Adam, fils de Dieu"».
Ainsi, l'épisode que nous lisons se trouve juste après le Baptême où l’Esprit saint est descendu sur Jésus et où une voix venant du ciel a proclamé : Tu es mon fils bien-aimé, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ».
Ce texte résonne étrangement aux oreilles de notre temps : les conditions de cette rencontre que Jésus fait du diable paraissent pour le moins étranges. C’est donc une bonne occasion de s’interroger sur la façon d’approcher ce genre de texte. En le lisant, nous allons constater que dans ce cas, il ne faut pas se dire : comment est-ce possible ? mais : que veut me dire le texte à travers cela ?
Interroger le début du texte
En général, un auteur soigne les commencements, et il convient donc d’y être attentif. Ici, le premier verset nous dit : « Jésus, rempli du Saint-Esprit, revint du Jourdain, et il fut conduit par l'Esprit dans le désert ». Pour un lecteur de la Bible, deux éléments sont là hautement significatifs :
- l’insistance sur l’Esprit saint : son influence est noté deux fois dans ces 15 mots non seulement Jésus en est rempli, mais c'est lui qui le conduit dans le désert
- le désert : il est par excellence le lieu où il n'y a rien. On n'y trouve guère de choses pour la vie et elle y est rude et difficile : ce peut être un lieu de mort et c'est un lieu de tentation. En même temps, parce que l'homme y est plus seul, moins pris par les choses, il y est plus disponible à la rencontre de Dieu. Un prophète fait dire à Dieu de la femme infidèle : "je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son coeur" (Osée 2,14).
Constatons que le début du texte insiste pour dire que ce n'est pas un hasard si Jésus va au désert, mais qu'il s'agit d'une volonté délibérée, parce qu'il est conduit par l'Esprit de Dieu. Quoi qu'il en soit de la réalité des faits, il est indéniable que les auteurs veulent nous dire ici, d'une part que les tentations de Jésus ne seront pas le fait du hasard, d'autre part qu'elles ont une place importante dans sa vie.
Interroger le coeur du texte : les tentations
Puisque l’évangéliste veut nous rapporter des tentations expérimentées par le Christ, c’est qu’elles ont sans doute à nous enseigner. Interrogeons-nous :
- Combien Jésus a-t-il connu de tentations ? Quelles sont-elles ?
- Comment les caractériser ?
- Comment se comporte-t-il devant elles ?
- Quelles sont celles qu’il n’aurait pas connues ?
Le texte présente trois tentations. Examinons-les chacune :
- Première tentation (v. 3-4) : Jésus a faim, et le diable lui suggère de changer des pierres en pains ; il s’agit d’utiliser son pouvoir sur les choses — et pourquoi pas ? —, mais Jésus refuse de les détourner pour son usage personnel. En repoussant cette tentation, il proclame qu'avoir du pain n'est pas le tout de la vie humaine : l'homme vit aussi d'autre chose.
- Deuxième tentation (v. 5-8) : la tentation du pouvoir, de la puissance sur les hommes. Qui de nous ne la connaît pas ! Et le diable dit que c’est lui qui y fait succomber. La réponse de Jésus, citant le premier des commandements, remet l’homme à sa vraie place : ce dont il est question pour lui, ce n’est pas d’avoir le pouvoir, c’est d’adorer et de ne servir que Dieu.
- Troisième tentation : celle de l’action d’éclat, celle où on se fait remarquer, gratuitement, en mettant Dieu à son service : pourquoi Dieu n’aiderait-il pas celui qui l’aime ? Mais Jésus, en rappelant encore une parole du Deutéronome (6,16), proclame que le véritable respect et amour de Dieu refuse l'idée d'avoir pouvoir sur Dieu, refuse de lui forcer la main.
Pouvoir sur les choses, pouvoir sur les hommes, pouvoir sur Dieu même : il n’y a pas d’autre tentations On peut rattacher toutes celles que peut connaître l’homme à l’une de celles auxquelles Jésus a été confronté.
Enjeux du texte
Maintenant, nous pouvons pressentir pourquoi ce texte est si important pour les chrétiens. Sans qu'il soit question de lui dénier son historicité, l'essentiel de son apport est d'abord à situer sur le plan théologique. A travers lui il nous est dit que :
Connaître la tentation n’est pas l’effet du mal ou d’un quelconque péché : elle fait partie de la vie humaine et il est possible à l’homme d’y résister.
Il n’est pas anodin non plus qu’il soit précisé que c’est après le baptême, après avoir reçu l’Esprit saint que Jésus la connaît et la repousse.
Constatons aussi que c'est dans l'Ecriture que Jésus enracine sa résistance à la tentation : non pas seulement parce qu'il la connaît, mais parce qu'il en vit et que la Parole de Dieu est toujours présente en Lui.
Enfin, pour terminer ces brèves remarques introductives, notons la proximité de Jésus avec nous : le Fils de Dieu a voulu prendre notre condition humaine avec toutes ses composantes.
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