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Livre de la Genèse
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Le Livre des Origines : Le déluge
Genèse 7,1-8,22

Il ne fut pas facile aux premiers hommes de comprendre les catastrophes naturelles : ils devaient avoir une terrible sensation d'impuissance devant des phénomènes dont ils comprenaient si peu les causes.

Avec le déluge, le livre de la Genèse nous les montre tentant de donner une explication à l'inacceptable. Ils le font avec leur profonde foi : celle que le mal et la violence ne peuvent plaire à Dieu d'une part, ne peuvent qu'entraîner à la catastrophe d'autre part. C'est encore aujourd'hui la conviction des croyants.

Voici maintenant le déluge, donc une catastrophe abominable qui voit la presque destruction de l'humanité. Regardons pourtant bien le texte : peut-être étrangement pour nous, ce n'est pas sur cette destruction qu'il insiste.

71 Le SEIGNEUR dit à Noé: Entre dans l'arche, toi et toute ta maison; car je t'ai vu juste devant moi parmi cette génération. 2  Tu prendras auprès de toi sept couples de tous les animaux purs, le mâle et sa femelle; une paire des animaux qui ne sont pas purs, le mâle et sa femelle; 3  sept couples aussi des oiseaux du ciel, mâle et femelle, afin de conserver leur race en vie sur la face de toute la terre. 4  Car, encore sept jours, et je ferai pleuvoir sur la terre quarante jours et quarante nuits, et j'exterminerai de la face de la terre tous les êtres que j'ai faits.

5  Noé exécuta tout ce que le SEIGNEUR lui avait ordonné. 6  Noé avait six cents ans, lorsque le déluge d'eaux fut sur la terre.

7 Et Noé entra dans l'arche avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils, pour échapper aux eaux du déluge. 8  D'entre les animaux purs et les animaux qui ne sont pas purs, les oiseaux et tout ce qui se meut sur la terre, 9  il entra dans l'arche auprès de Noé, deux à deux, un mâle et une femelle, comme Dieu l'avait ordonné à Noé. 10  Sept jours après, les eaux du déluge furent sur la terre.

11  L'an six cent de la vie de Noé, le second mois, le dix-septième jour du mois, en ce jour-là toutes les sources du grand abîme jaillirent, et les écluses des cieux s'ouvrirent.

12 La pluie tomba sur la terre quarante jours et quarante nuits.

A la loupe

Décidément, le Seigneur n'en finit pas de commander à Noé d'entrer dans l'Arche ! Le Seigneur ? C'est vite dit... parce que dans le chapitre précédent, c'est Dieu qui parlait, rappelons-nous :

6,13 Dieu dit à Noé : ... Tu entreras dans l'arche, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi. De tout ce qui vit, de toute chair, tu feras entrer dans l'arche deux de chaque espèce, pour les conserver en vie avec toi: il y aura un mâle et une femelle. Des oiseaux selon leur espèce, du bétail selon son espèce, et de tous les reptiles de la terre selon leur espèce, deux de chaque espèce viendront vers toi, pour que tu leur conserves la vie. Et toi, prends de tous les aliments que l'on mange, et fais-en une provision auprès de toi, afin qu'ils te servent de nourriture ainsi qu'à eux. C'est ce que fit Noé: il exécuta tout ce que Dieu lui avait ordonné. [6,13...22]

On pourrait d'ailleurs presque dire que Dieu ne parlait pas comme le Seigneur le fait :

  • Quand le Seigneur dit à Noé d'entrer avec toute sa 'maison', Dieu détaille : tes fils, ta femme, et les femmes de tes fils : ils ont une existence propre et ne se contentent pas d'accompagner le patriarche.
  • Dieu ne commande à Noé que d'enmener un seul couple de chaque espèce alors que le Seigneur lui enjoint d'en prendre 7 de chaque animal pur !
  • Dieu ne se préoccupe d'ailleurs pas de distinguer entre animaux purs ou impurs, alors que le Seigneur les traite différemment.

Alors ? Elémentaire ! Pour le lecteur fûté, la double présentation de l'ordre du Seigneur alliée à des différences de vocabulaire, de style (par exemple deux facçons d'évoquer le temps : jours et nuits, temps du soir... ou bien des dates précises, en l'an 600, le 2e mois, le 17e jour du mois), de centre d'intérêt est l'indice de la présence de deux écrivains ou, pour mieux dire : de deux rédactions dans le texte biblique. Peut-être pouvez-vous en chercher d'autres indices...

13  Ce même jour entrèrent dans l'arche Noé, Sem, Cham et Japhet, fils de Noé, la femme de Noé et les trois femmes de ses fils avec eux: 14  eux, et tous les animaux selon leur espèce, tout le bétail selon son espèce, tous les reptiles qui rampent sur la terre selon leur espèce, tous les oiseaux selon leur espèce, tous les petits oiseaux, tout ce qui a des ailes. 15 Ils entrèrent dans l'arche auprès de Noé, deux à deux, de toute chair ayant souffle de vie. 16  Il en entra, mâle et femelle, de toute chair, comme Dieu l'avait ordonné à Noé.
Puis le SEIGNEUR ferma la porte sur lui.

17  Le déluge fut quarante jours sur la terre.

Les eaux crûrent et soulevèrent l'arche, et elle s'éleva au-dessus de la terre. 18  Les eaux grossirent et s'accrurent beaucoup sur la terre, et l'arche flotta sur la surface des eaux. 19  Les eaux grossirent de plus en plus, et toutes les hautes montagnes qui sont sous le ciel entier furent couvertes. 20  Les eaux s'élevèrent de quinze coudées au-dessus des montagnes, qui furent couvertes. 21  Tout ce qui se mouvait sur la terre périt, tant les oiseaux que le bétail et les animaux, tout ce qui rampait sur la terre, et tous les hommes.

22  Tout ce qui avait respiration, souffle de vie dans ses narines, et qui était sur la terre sèche, mourut. 23  Tous les êtres qui étaient sur la face de la terre furent exterminés, depuis l'homme jusqu'au bétail, aux reptiles et aux oiseaux du ciel: ils furent exterminés de la terre. Il ne resta que Noé, et ce qui était avec lui dans l'arche.

24  Les eaux furent grosses sur la terre pendant cent cinquante jours.

Le déluge (Francis Danby, Tate Gallery) - Public Domain

La Bible et le déluge

Dans l'ensemble de la Bible, le déluge est un événement qui reste dans la mémoire puisqu'il est cité comme un événement connu. Mais est-ce bien le déluge qui est dans la mémoire ? Non, c'est Noé, au point que le prophète Isaïe parle des "eaux de Noé" pour évoquer l'événement. Quant à Jésus, il nommera jours de Noé le moment du déluge.

Cet événement, tous savent qu'il a été causé par l'injustice des hommes : il n'est donc pas question de mettre Dieu en accusation à ce propos, bien au contraire. Dans la Nouveau Testament, la première lettre de Pierre note la 'patience de Dieu' qui a accepté d'attendre que Noé ait construit l'arche pour déclencher le déluge.

Et si Noé est une grande figure, c'est parce qu'il est celui qui a assuré le salut des hommes : en raison de sa justice, l'humanité ne fut pas entièrement détruite.

Nous, spontanément nous voyons une destruction injuste dans le déclenchement du déluge qui fait périr toute créature, juste ou injuste. Il est probable que cela choquait moins des hommes et femmes habitués à une vie où l'on avait toutes les chances de mourir tôt.
 
En même temps, très concrètement, ils ont une conscience forte qu'ils doivent leur existence à celui par qui un petit reste de l'humanité a été sauvé d'une destruction annoncé totale. L'un des leurs, parce qu'il fut trouvé juste, sauva le genre humain.

81  Dieu se souvint de Noé, de tous les animaux et de tout le bétail qui étaient avec lui dans l'arche; et Dieu fit passer un vent sur la terre, et les eaux s'apaisèrent. 2 Les sources de l'abîme et les écluses des cieux furent fermées, et la pluie ne tomba plus du ciel.
3  Les eaux se retirèrent de dessus la terre, s'en allant et s'éloignant, et les eaux diminuèrent au bout de cent cinquante jours.
4  Le septième mois, le dix-septième jour du mois, l'arche s'arrêta sur les montagnes d'Ararat. 5  Les eaux allèrent en diminuant jusqu'au dixième mois. Le dixième mois, le premier jour du mois, apparurent les sommets des montagnes.

C'est une très belle formule qui indique l'arrêt du déluge : Dieu se souvint de Noé... L'expression dit la confiance en la sollicitude de Dieu pour celui dont il a pris soin.

En laissant résonner le texte en nous, on peut sentir les ruptures de style : avec notamment une grande attention à tout ce qui est "chair et coeur" comme le récit du lâcher des oiseaux, d'abord le corbeau puis la colombe.

6  Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre qu'il avait faite à l'arche. 7  Il lâcha le corbeau, qui sortit, partant et revenant, jusqu'à ce que les eaux eussent séché sur la terre. 8  Il lâcha aussi la colombe, pour voir si les eaux avaient diminué à la surface de la terre. 9  Mais la colombe ne trouva aucun lieu pour poser la plante de son pied, et elle revint à lui dans l'arche, car il y avait des eaux à la surface de toute la terre. Il avança la main, la prit, et la fit rentrer auprès de lui dans l'arche. 10  Il attendit encore sept autres jours, et il lâcha de nouveau la colombe hors de l'arche. 11  La colombe revint à lui sur le soir; et voici, une feuille d'olivier arrachée était dans son bec. Noé connut ainsi que les eaux avaient diminué sur la terre. 12  Il attendit encore sept autres jours; et il lâcha la colombe. Mais elle ne revint plus à lui.

Le terme arche n'apparaît pratiquement pas dans l'Ancien Testament... sauf en Exode 2 où il est la petite caisse dans laquelle le bébé Moïse fut remis par sa mère au gré du Nil, avant d'être retrouvé par la fille de Pharaon.
Dans les deux cas, l'arche est donc l'instrument d'un sauvetage qui conduira au salut du peuple tout entier.

Humanité de la Bible...

Le déluge est une abominable catastrophe... et ce n'est pas ce qu'en retient le texte biblique. En revanche, c'est aussi un des textes qui dit avec le plus de force sa grande humanité. Il suffit de voir le regard de Noé dans le vitrail pour saisir. Y sommes-nous sensibles ?

13  L'an six cent un, le premier mois, le premier jour du mois, les eaux avaient séché sur la terre. Noé ôta la couverture de l'arche: il regarda, et voici, la surface de la terre avait séché.

14  Le second mois, le vingt-septième jour du mois, la terre fut sèche. 15  Alors Dieu parla à Noé, en disant: 16  Sors de l'arche, toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils avec toi. 17 Fais sortir avec toi tous les animaux de toute chair qui sont avec toi, tant les oiseaux que le bétail et tous les reptiles qui rampent sur la terre: qu'ils se répandent sur la terre, qu'ils soient féconds et multiplient sur la terre. 18  Et Noé sortit, avec ses fils, sa femme, et les femmes de ses fils. 19  Tous les animaux, tous les reptiles, tous les oiseaux, tout ce qui se meut sur la terre, selon leurs espèces, sortirent de l'arche.

Le mont Ararat où la tradition fait atterrir l'arche de Noé

Le mont Ararat

20 Noé bâtit un autel au SEIGNEUR; il prit de toutes les bêtes pures et de tous les oiseaux purs, et il offrit des holocaustes sur l'autel. 21  Le SEIGNEUR sentit une odeur agréable, et le SEIGNEUR dit en son coeur: Je ne maudirai plus la terre, à cause de l'homme, parce que les pensées du coeur de l'homme sont mauvaises dès sa jeunesse; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l'ai fait. 22  Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l'été et l'hiver, le jour et la nuit ne cesseront point.

Aussitôt sorti de l'arche, Noé n'a rien de plus pressé que de construire un autel (la première fois dans la Bible) pour offrir un sacrifice - rappelons que le terme signifie offrande - au Seigneur qui lui a permis d'être sauvé avec tous les siens.
Ici, le sacrifice est un 'holocauste', d'un terme qui veut dire faire monter. La bête tuée est entièrement brûlée, montant ainsi en offrande à Dieu.
C'est le sacrifice de haut prix parce qu'on n'en garde rien pour soi en un temps où manger de la viande n'allait pas de soi...

Il faudra entendre la pointe de la bénédiction du Seigneur : une promesse : celle de ne jamais plus chercher à frapper les vivants. Quel que soit le péché de l'homme, le Seigneur qui l'a créé ne le détruira pas, bien plus, il lui assurera les moyens de vivre avec l'alternance des saisons. En outre, cette déclaration est placée à un moment clé, proclamant ainsi son importance.


Décrypter le texte

Visiblement, nous en avons vu quelques indices, ce texte réunit deux récits différents.
Il n'est pas étonnant que ce mythe du déluge, présent dans toutes les civilisations - nous l'avons vu -, ait été reçu sous deux formes. L'étonnant, c'est peut-être que la Bible les réunisse ensemble dans le même épisode, alors qu'ils semblent parfois contradictoires.
Cependant, le constater nous enseigne trois choses importantes quant au texte biblique :
  • le grand respect du texte biblique qu'avaient nos pères dans la foi : jamais, au cours des siècles, ils n'ont cherché à gommer ce qui pouvait sembler contradiction : l'essentiel pour eux était avant tout de préserver ce qu'ils recevaient comme Parole de Dieu, quel qu'on soit le prix.
  • une grande liberté : si ces textes ont été conservés malgré les difficultés qu'ils présentent, c'est qu'on ne les jugeait pas insurmontables pour la foi...
  • une interprétation du texte : ce n'est sans doute pas dans une fidélité aux précisions littérales qu'il faut en chercher l'essentiel pour la foi.

Comment l'Ecriture considère-t-elle le Déluge ?

Nous nous rendons bien compte qu'il n'est pas facile de lire un texte comme celui du Déluge et qu'on peut le faire selon plusieurs perspectives. Nous inspirer de ce que les rédacteurs des Ecritures ont retenu du Déluge - puisqu'ils y font allusion -, a l'avantage irremplaçable de nous montrer comment les hommes de la Bible l'interprètent : c'est-à-dire ce qui retiennent comme importants quant à la relation à Dieu et aux hommes.

  • l'Ancien Testament relève que "Noé fut trouvé parfait et juste... à cause de lui il y eut un reste pour la terre quand arriva le déluge" (Siracide 44,17) : ainsi, l'essentiel n'est pas l'événement déluge, mais le sauveur Noé.
  • Le Nouveau Testament ne retient que 2 éléments de la vie de Noé : il fut un homme de foi et de justice. Peu importe ce qu'il fit, l'Ecriture procclame que l'essentiel au regard de Dieu est là. Plus précisément, la première qualité de Noé est la foi : croire ce qui lui a été dit de la part de Dieu. Puisque Noé a cru, cela signifie qu'il était possible de croire et c'est ainsi que son attitude était comme la condamnation de ceux qui n'avaient pas eu cette foi.
A travers tout cela, il nous est redit que l'essentiel de la vie du croyant est d'être... une vie de foi, c'est-à-dire de confiance que Dieu est présent dans l'histoire à nos côtés et qu'il agit pour vous. C'est identiquement vrai pour le Nouveau comme pour l'Ancien Testament.

Pour réfléchir...

  • Dans ce texte, spontanément, par quoi suis-je davantage frappé : l'histoire de Noé ? le sort de ces gens qui périssent ? la fin heureuse ? la promesse d'alliance ?
  • Qu'est-ce que j'ai découvert en me laissant étonner par le texte, et qui ne m'était pas apparu tout d'abord ?

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