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Livre de la Genèse
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Le cycle d'Abraham : Abraham et les nations
Genèse 20,1-21,34

Voici des pagesparmi les plus riches rencontrées jusqu’ici pour attester de moeurs et de coutumes qui nous sont spontanément peu familières, et il peut être intéressant de les lire aussi avec cette perspective, même si elle peut se révéler éprouvante à qui est d’une autre culture.

Abraham rencontre un païen, le roi Abimélek. Peut-être serons-nous surpris que le Seigneur parle tout aussi facilement à l’un qu’à l’autre. L’essentiel est de voir que c’est en réfléchissant sur des textes comme celui-ci que la Tradition a peu à peu compris que le salut de Dieu était offert tout autant aux païens qu’aux fidèles : parce que Dieu est juste, comment ferait-il une distinction entre les uns et les autres ?

Ces chapitres nous donnent de voir une multitude de petites notations qui peuvent nous permettre de mieux comprendre nos pères dans la Foi et ce qu’ils ont voulu. La difficulté est de nous décentrer suffisamment de ce que nous sommes pour accepter d’écouter ce qui fait partie d’un univers culturel très étranger au nôtre.

20 1 Abraham partit de là pour la contrée du midi; il s'établit entre Kadès et Schur, et fit un séjour à Guérar. 
2 Abraham disait de Sara, sa femme: C'est ma soeur. Abimélec, roi de Guérar, fit enlever Sara. 3 Alors Dieu apparut en songe à Abimélec pendant la nuit, et lui dit:

Voici, tu vas mourir à cause de la femme que tu as enlevée, car elle a un mari. 
4 Abimélec, qui ne s'était point approché d'elle, répondit:
Seigneur, ferais-tu périr même une nation juste? 5 Ne m'a-t-il pas dit: C'est ma soeur? et elle-même n'a-t-elle pas dit: C'est mon frère? J'ai agi avec un coeur pur et avec des mains innocentes. 
6 Dieu lui dit en songe:
Je sais que tu as agi avec un coeur pur; aussi t'ai-je empêché de pécher contre moi. C'est pourquoi je n'ai pas permis que tu la touchasse. 7 Maintenant, rends la femme de cet homme; car il est prophète, il priera pour toi, et tu vivras. Mais, si tu ne la rends pas, sache que tu mourras, toi et tout ce qui t'appartient.

En somme, la beauté de Sara, attestée par la Tradition, fait encore des victimes ; pauvre Abimélek ! Mais comment la vie en société serait-elle possible si on pouvait impunément prendre la femme d’un autre, sa ’propriété’ ? L’acte est normalement puni de mort et la façon dont il réagit montre que le roi Abimélek le sait.

Selon la parole de Dieu en 20,6, Abimélek n’a pas touché Sara, mais il serait pour tous incompréhensible qu’une femme prise ‒ capturée ‒ n’ait pas été ‘touchée’. Son honneur est donc en cause. C’est pourquoi le roi se doit de la réhabiliter par des dons qui feront oublier ‒ ‘voileront’ ‒ ce qu’elle paraît avoir vécu.

Justice et culpabilité

Peut-être sommes-nous étonnés de découvrir ici comme une redite de l’épisode qui voyait Pharaon s’approprier la femme d’Abraham au chapitre 12. Par crainte que le roi Abimélek ne le tue pour prendre Sara, Abraham essaie encore de la faire passer pour sa soeur.

Il y a plusieurs hypothèses à un ‘doublon’ pareil : ainsi pourrait-on penser que les auteurs de la Bible connaissaient cet épisode sous deux traditions, l’une le situant en Egypte, l’autre en Canaan et qu’ils n’auront pas voulu en abandonner une...

Quoi qu’il en soit, on remarquera aussi que l’affaire elle-même n’est que très brièvement relatée ici. Tout l’intérêt porte – à travers un long dialogue entre le Seigneur et le roi Abimélek – sur la question de la justice et de la culpabilité : à qui revient la faute ? Abraham n’y a pas le beau rôle alors qu’Abimélek en sort grandi. C’est l’occasion pour le texte de souligner que Dieu est ‘juste’ : il rend tout autant justice au païen qu’à son fidèle.

8 Abimélec se leva de bon matin, il appela tous ses serviteurs, et leur rapporta toutes ces choses; et ces gens furent saisis d'une grande frayeur. 9 Abimélec appela aussi Abraham, et lui dit:

Qu'est-ce que tu nous as fait ? Et en quoi t'ai-je offensé, que tu aies fait venir sur moi et sur mon royaume un si grand péché ? Tu as commis à mon égard des actes qui ne doivent pas se commettre.
 10 Et Abimélec dit à Abraham :
Quelle intention avais-tu pour agir de la sorte?
 11 Abraham répondit:
Je me disais qu'il n'y avait sans doute aucune crainte de Dieu dans ce pays, et que l'on me tuerait à cause de ma femme. 12 De plus, il est vrai qu'elle est ma soeur, fille de mon père; seulement, elle n'est pas fille de ma mère; et elle est devenue ma femme. 13 Lorsque Dieu me fit errer loin de la maison de mon père, je dis à Sara : Voici la grâce que tu me feras; dans tous les lieux où nous irons, dis de moi: C'est mon frère.
 14 Abimélec prit des brebis et des boeufs, des serviteurs et des servantes, et les donna à Abraham; et il lui rendit Sara, sa femme. 15 Abimélec dit: Voici, mon pays est devant toi; demeure où il te plaira. 16 Et il dit à Sara: Voici, je donne à ton frère mille pièces d'argent; cela te sera un voile sur les yeux pour tous ceux qui sont avec toi, et auprès de tous tu seras justifiée.

De bon matin... Lever de soleil sur la Mer Morte, vue de Masada [by Grauesel, GFDL]

Il se leva de bon matin...

Deux fois apparaît l’expression : c’est d’abord Abimélek qui se lève de bon matin pour convoquer tous ses serviteurs et les mettre au courant de la grave affaire avec Abraham (20,8), puis ce dernier se lèvera à son tour de bon matin pour donner des vivres à Hagar avant de la renvoyer avec son fils (21,14).
L'expression n’est pas anodine : celui qui est familier du texte biblique se souvient que chaque fois qu'elle survient, elle indique qu’un événement d’importance va survenir :

  • au moment de l’érection d’un autel (Genèse 28,18)
  • avant la victoire sur l’ennemi (Juges 7,1) ou avant la conquête de Jéricho (Josué 6,12)
  • avant la conclusion de l’Alliance (Exode 24,4)

Comme aujourd’hui une musique reconnaissable entre toutes prépare souvent le point culminant d’un film, les auteurs bibliques préparent leur ‘public’ par des expressions dont la signification est ‘théologique’ – disant quelque chose de la relation avec Dieu – que chronologique.
Le lecteur d’aujourd’hui reconnaîtra-t-il ces expressions ?

17 Abraham pria Dieu, et Dieu guérit Abimélec, sa femme et ses servantes; et elles purent enfanter. 18 Car le SEIGNEUR avait frappé de stérilité toute la maison d'Abimélec, à cause de Sara, femme d'Abraham.

Le texte est truffé de phrases que nous préfèrerions ne pas lire comme celle du verset 18... Mais si nous nous demandons pourquoi cette affirmation, nous comprenons vite qu’il s’agit avant tout de montrer la sollicitude de Dieu pour Abraham et Sara...

21 1 Le SEIGNEUR se souvint de ce qu'il avait dit à Sara, et le SEIGNEUR accomplit pour Sara ce qu'il avait promis. 2 Sara devint enceinte, et elle enfanta un fils à Abraham dans sa vieillesse, au temps fixé dont Dieu lui avait parlé. 
3 Abraham donna le nom d'Isaac au fils qui lui était né, que Sara lui avait enfanté. 4 Abraham circoncit son fils Isaac, âgé de huit jours, comme Dieu le lui avait ordonné. 5 Abraham était âgé de cent ans, à la naissance d'Isaac, son fils.

6 Et Sara dit : Dieu m'a fait un sujet de rire ; quiconque l'apprendra rira de moi. 7 Elle ajouta : Qui aurait dit à Abraham : Sara allaitera des enfants ? Cependant je lui ai enfanté un fils dans sa vieillesse. 8 L'enfant grandit, et fut sevré ; et Abraham fit un grand festin le jour où Isaac fut sevré.

A la loupe

Ces chapitres sont ponctués de refrains qui 'expliquent' les actes des uns ou des autres ; plusieurs d’entre eux sont particulièrement rapprochés, ce qui incite le lecteur à se demander quelle est leur fonction :

  • Le Seigneur accomplit pour Sara ce qu'il avait promis, il se souvint de ce qu'il avait dit (v. 1),
  • Sara donna un fils à Abraham... à la date dont Dieu lui avait parlé (21,2),
  • Abraham circoncit son fils Isaac à l’âge de huit jours comme Dieu le lui avait ordonné (21,4).

Alors ? Elémentaire ! Quand des notations vont dans le même sens, elles agissent comme des signaux pour indiquer au lecteur que c'est là qu’il doit chercher l’essentiel pour la bonne compréhension du texte. Ici, ces notations veulent visiblement insister, d’une part sur la fidélité de Dieu, d’autre part, comme en contrepoint, sur l’obéissance d’Abraham. Le lecteur remarque alors que d’autres notations les soulignent encore, comme les notes qui font des actes du Seigneur à l’égard d’Abimélek la conséquence de sa sollicitude pour Sara ou Abraham.

9 Sara vit rire le fils qu'Agar, l'Égyptienne, avait enfanté à Abraham; 10 et elle dit à Abraham: Chasse cette servante et son fils, car le fils de cette servante n'héritera pas avec mon fils, avec Isaac. 11 Cette parole déplut fort aux yeux d'Abraham, à cause de son fils. 12 Mais Dieu dit à Abraham:

Que cela ne déplaise pas à tes yeux, à cause de l'enfant et de ta servante. Accorde à Sara tout ce qu'elle te demandera; car c'est d'Isaac que sortira une postérité qui te sera propre. 13 Je ferai aussi une nation du fils de ta servante; car il est ta postérité. 
14 Abraham se leva de bon matin ; il prit du pain et une outre d'eau, qu'il donna à Agar et plaça sur son épaule; il lui remit aussi l'enfant, et la renvoya. Elle s'en alla, et s'égara dans le désert de Beer Schéba. 15 Quand l'eau de l'outre fut épuisée, elle laissa l'enfant sous un des arbrisseaux, 16 et alla s'asseoir vis-à-vis, à une portée d'arc; car elle disait: Que je ne voie pas mourir mon enfant! Elle s'assit donc vis-à-vis de lui, éleva la voix et pleura. 17 Dieu entendit la voix de l'enfant; et l'ange de Dieu appela du ciel Agar, et lui dit:
Qu'as-tu, Agar? Ne crains point, car Dieu a entendu la voix de l'enfant dans le lieu où il est. 18 Lève-toi, prends l'enfant, saisis-le de ta main; car je ferai de lui une grande nation. 
19 Et Dieu lui ouvrit les yeux, et elle vit un puits d'eau; elle alla remplir d'eau l'outre, et donna à boire à l'enfant. 20 Dieu fut avec l'enfant, qui grandit, habita dans le désert, et devint tireur d'arc. 21 Il habita dans le désert de Paran, et sa mère lui prit une femme du pays d'Égypte.

Karel Judardin, Agar et Ismaël dans le désert Et Dieu dans tout cela ? C’est parce que le Seigneur a entendu la voix du garçon, qu’il s’adressa à Agar pour lui rendre courage... pauvre Agar ! Sa détresse ne comptait-elle pas que le Seigneur n’ait pitié que de son fils ? Il est pourtant difficile de croire à de l’insensibilité alors que Dieu va intervenir pour consoler Agar. Plus probablement est-il difficilement concevable pour les anciens que Dieu prenne intérêt à une femme qui a été chassée : c’est donc à l’écoute des pleurs de son fils qu’il va intervenir. Mesurons cependant que Dieu ne craint quand même pas de s’adresser à cette femme : elle n’est pas quantité négligeable pour lui.

Nous le savons, la première question à se poser devant un texte biblique est : comment nous présente-t-il Dieu : comment agit-il ? Comment en parle-t-on ? Ses interventions en disent déjà quelque chose, et on pourra retenir 4 éléments :

  • Dieu parle... y compris au païen. D’ailleurs il agit pour eux et même en eux, puisqu’il retient Abimélek de mal se conduire avec Sara,
  • Dieu agit pour protéger ceux qu’il aime de l’injustice, rendant stériles les femmes d’Abimélek à cause de Sara (20,18),
  • Dieu agit en protégeant celui qui a un ‘coeur intègre et des mains innocentes’, même s’il s’agit d’un païen (20,6).
  • Dieu agit selon sa promesse à Sara et à Abraham (21,1).

Toutes ces notations vont dans le même sens, montrant que le souci des auteurs est d’insister particulièrement insister sur la justice et la fidélité de Dieu.

22 En ce temps-là, Abimélec, accompagné de Picol, chef de son armée, parla ainsi à Abraham: Dieu est avec toi dans tout ce que tu fais. 23 Jure-moi maintenant ici, par le nom de Dieu, que tu ne tromperas ni moi, ni mes enfants, ni mes petits-enfants, et que tu auras pour moi et le pays où tu séjournes la même bienveillance que j'ai eue pour toi. 24 Abraham dit : Je le jurerai

25 Mais Abraham fit des reproches à Abimélec, au sujet d'un puits d'eau, dont s'étaient emparés de force les serviteurs d'Abimélec. 26 Abimélec répondit: J'ignore qui a fait cette chose-là; tu ne m'en as point informé, et moi, je ne l'apprends qu'aujourd'hui.
27 Et Abraham prit des brebis et des boeufs, qu'il donna à Abimélec; et ils firent tous deux alliance. 28 Abraham mit à part sept jeunes brebis. 29 Et Abimélec dit à Abraham: Qu'est-ce que ces sept jeunes brebis, que tu as mises à part? 30 Il répondit: Tu accepteras de ma main ces sept brebis, afin que cela me serve de témoignage que j'ai creusé ce puits. 31 C'est pourquoi on appelle ce lieu Beer Schéba; car c'est là qu'ils jurèrent l'un et l'autre. 32 Ils firent donc alliance à Beer Schéba.

Après quoi, Abimélec se leva, avec Picol, chef de son armée; et ils retournèrent au pays des Philistins. 33 Abraham planta des tamariscs à Beer Schéba; et là il invoqua le nom du SEIGNEUR, Dieu de l'éternité. 34 Abraham séjourna longtemps dans le pays des Philistins.

Jozsef Molnar, Voyage d'Abraham d'Ur en Canaan Des coutumes...

Nous pouvons apprendre bien des coutumes de nos pères avec le texte biblique. Ainsi :

  • La naissance d’Isaac nous montre que c’est le père qui donne le nom au fils et le circoncit.
  • Dans la conclusion de l’alliance entre Abimélek et Abraham, l’échange de cadeaux (v. 27-28) prend une place prépondérante : ils sont même ‘témoignage’, c’est-à-dire ce qui affirme qu’il y a bien eu alliance.
  • La difficulté de la vie du nomade : s’il y a nécessité de se jurer qu’on ne s’attaquera pas, c’est que cela ne va pas de soi...
Peu à peu, les coutumes de la vie prennent du relief...


L'intercession du prophète

Avec Genèse 20,7, c’est la première fois qu’apparaît dans la Bible le terme de « prophète », et il est accordé à Abraham. Le motif de cette nomination ? Abraham intercédera en faveur du roi Abimélek pour que celui-ci vive. Effectivement, quelques versets plus loin, en 20,17, nous verrons Abraham intercéder auprès de Dieu et celui-ci guérir Abimélek, sa femme et ses servantes. Cela nous rappelle que, pour l’homme biblique, la première fonction du prophète est l’intercession : dans l’Ancien Testament, ce n’est pas le prêtre qui intercède ‒ il est plutôt l’homme de la loi ‒ mais le prophète.

La particularité de ce chapitre est qu’Abraham intercède pour un roi païen ‒ qui plus est sur l’invitation du Seigneur ‒ et que le Seigneur intervient en sa faveur : le salut n’est pas réservé qu’à Israël et l’homme juste, fut-il païen comme Abimélek, peut tout autant faire appel à un Dieu qui lui est attentif.

Fonction du prophète

Dans tout le Proche-Orient ancien, la fonction du prophète est de permettre la communication entre Dieu – ou la divinité – et ceux auxquels il s'adresse : le roi surtout ou le peuple.

* * *

Les prophètes ne sont pas une particularité de la Bible. Dans le Proche-Orient, on voit aussi les rois consulter voyants et devins avant de prendre une décision.

* * *

C’est une grande différence entre Israël et les peuples qui l’entourent que de faire du peuple l’interlocuteur privilégié du prophète. En effet, l’Ancien Testament relativise fortement la place du roi, souvent considéré comme responsable de la catastrophe qui aboutit à la chute de Jérusalem et à l’exil en 587.

* * *

Chargé de la communication entre Dieu et les hommes, le prophète est l’homme de la parole : celui qui parle aux hommes de la part de Dieu, mais aussi celui qui parle à Dieu de la part des hommes, qui intervient en leur faveur.

* * *

Dans la Bible, le Seigneur appelle les prophètes quand il estime que la situation est intolérable : soit que les hommes aient oublié ce que le Seigneur leur avait prescrit pour être heureux ; soit, quand ils se trouvent au fond de l’abîme, que le Seigneur leur rappelle qu’ils ne sont pas oubliés de leur Dieu qui viendra les sauver.

Le terme 'prophète' réunit le verbe phémi, ‘dire’ et la préposition pro. Il s'agit de dire devant, dire avant, dire à la place de… Le prophète est donc celui qui parle devant Dieu, le roi ou le peuple ; il est celui qui parle à la place de Dieu... ou du peuple, celui qui parle avant qu’adviennent les événements. Il est donc un peu malheureux et surtout réducteur qu’on ait davantage retenu le dire avant au sens de prédire...

Pour réfléchir...

  • Relever toutes les notations qui montrent que le païen a une place dans le projet de Dieu.
  • Quel portrait d'Abimélek dresse le texte ?
  • Relevez-vous d'autres notations qui aident à comprendre les coutumes de nos pères ?

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