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Introduction à la Bible Livre de la Genèse |
La dernière fois, Sara, stérile, en était réduite à proposer sa servante Hagar à Abraham pour donner un enfant à son mari. Nous avions d’ailleurs entendu la promesse de descendance faite à Abraham. Aujourd’hui, c’est Sara qui va recevoir l’annonce qu’elle aura elle-même un enfant : Y a-t-il une chose trop prodigieuse pour Dieu ? C’est bien la conviction de toute l’Écriture, que ce soit dans l’Évangile ou dans le Premier Testament. L’ange Gabriel fera d’ailleurs cette même remarque à Marie lors de l’Annonciation, en lui annonçant que sa cousine Elisabeth ‒ pourtant stérile ‒ va avoir un fils. Aujourd’hui, avec ce dix-huitième chapitre, nous sommes au coeur de l’Écriture, témoins de la visitation d’Abraham par le Seigneur, témoins de l’hospitalité donnée par le patriarche à des anges, témoins de l’annonciation à Sara, témoins aussi de ce prodigieux dialogue du Seigneur avec Abraham qui dit combien Dieu est à l’écoute de l’homme... le tout en quelques versets. Jamais nous ne toucherons d’aussi près ce que signifie dire que l’Écriture est Parole de Dieu, inépuisable, seule à même de calmer la soif inextinguible de l’homme capable de Dieu et qui ne peut trouver de repos hors de lui. |
181 Le SEIGNEUR lui apparut parmi les chênes de Mamré, comme il était assis à l'entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour. 2 Il leva les yeux, et regarda: et voici, trois hommes étaient debout près de lui. Quand il les vit, il courut au-devant d'eux, depuis l'entrée de sa tente, et se prosterna en terre. 3 Et il dit: Seigneur, si j'ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe point, je te prie, loin de ton serviteur. 4 Permettez qu'on apporte un peu d'eau, pour vous laver les pieds; et reposez-vous sous cet arbre. 5 J'irai prendre un morceau de pain, pour fortifier votre coeur; après quoi, vous continuerez votre route; car c'est pour cela que vous passez près de votre serviteur.Ils répondirent : Fais comme tu l'as dit. |
![]() Mamré : près d’Hébron à Mamré – ou Mambré –, à 3 kms au nord d’Hébron, dans la montagne de Judée, nous sommes au coeur de ce qui deviendra Israël, là où Abraham établira sa résidence, et où Isaac et Jacob viendront aussi. |
6 Abraham alla promptement dans sa tente vers Sara, et il dit : Vite, trois mesures de fleur de farine, pétris, et fais des gâteaux. 7 Et Abraham courut à son troupeau, prit un veau tendre et bon, et le donna à un serviteur, qui se hâta de l'apprêter. 8 Il prit encore de la crème et du lait, avec le veau qu'on avait apprêté, et il les mit devant eux. Il se tint lui-même à leurs côtés, sous l'arbre. Et ils mangèrent. |
![]() La cuisine de l'hospitalité Les rôles sont ici bien répartis : à Abraham, le chef de famille, d’inviter le voyageur, sans oublier de prendre sa part de la préparation du repas. A Sara, sa femme, de veiller aux galettes cuites sur la pierre et de préparer le caillé et le lait : la cuisson revient aux femmes. L’essentiel est que tous soient impliqués dans l’accueil. |
9 Alors ils lui dirent: Où est Sara, ta femme? Il répondit: Elle est là, dans la tente. 10 L'un d'entre eux dit: Je reviendrai vers toi à cette même époque; et voici, Sara, ta femme, aura un fils. |
L'annonce faite à Sara Après l’annonce à Abraham, voici celle à Sara. Et pourtant, elle est quasi absente, puisque réfugiée dans sa tente où elle écoute sans être vue. C’est cependant bien à elle que s’adresse le Seigneur qui la devine sans la voir, qui devine son rire intérieur et ce qui est le plus profond en elle : elle est le personnage principal. On peut alors comprendre la ‘peur’ de Sara : cet effroi sacré quand la puissance de Dieu apparaît. En même temps, elle confirme la parole qui lui est dite : Y a-t-il une chose trop prodigieuse pour le Seigneur ? Un ou trois visiteurs ? Bien des chercheurs ont essayé de donner un sens à ce qui semble contradiction, mais il faut peut-être tout simplement penser qu’on a conservé ici deux traditions différentes, sans chercher à arbitrer entre elles. |
16 Ces hommes se levèrent pour partir, et ils regardèrent du côté de Sodome. Abraham alla avec eux, pour les accompagner. 17 Alors le SEIGNEUR dit : Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire?... 18 Abraham deviendra certainement une nation grande et puissante, et en lui seront bénies toutes les nations de la terre. 19 Car je l'ai choisi, afin qu'il ordonne à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie du SEIGNEUR, en pratiquant la droiture et la justice, et qu'ainsi le SEIGNEUR accomplisse en faveur d'Abraham les promesses qu'il lui a faites... 20 Et le SEIGNEUR dit: Le cri contre Sodome et Gomorrhe s'est accru, et leur péché est énorme. 21 C'est pourquoi je vais descendre, et je verrai s'ils ont agi entièrement selon le bruit venu jusqu'à moi; et si cela n'est pas, je le saurai. |
![]() Exercer ...c’est faire entrer chez soi celui qu’on ne connaît pas, dans un contexte où tout voyage comporte un danger : danger parfois pour ceux qui voient apparaître des voyageurs dont les intentions ne sont pas toujours claires, danger surtout pour celui qui s’aventure plus ou moins seul sur des routes où il ne dispose pas de l’aide des siens. Le motif du voyage est donc probablement grave et le voyageur peut se révéler un homme important. Quoi qu’il en soit, la responsabilité de l’hôte est d’offrir une protection totale au voyageur aussi longtemps qu’il demeurera sous son toît, même s’il découvre qu’il s’agit d’un invité peu désirable. On constate alors que la tradition d’hospitalité a un rôle de régulation des rapports sociaux entre inconnus. Quant à la mesure de l’accueil, bien avant d’honorer le voyageur, elle est le signe de l’importance de l’hôte : il se doit donc d’y être d’une grande générosité. |
22 Les hommes s'éloignèrent, et allèrent vers Sodome. Mais Abraham se tint encore en présence du SEIGNEUR. 23 Abraham s'approcha, et dit: Feras-tu aussi périr le juste avec le méchant? 24 Peut-être y a-t-il cinquante justes au milieu de la ville: les feras-tu périr aussi, et ne pardonneras-tu pas à la ville à cause des cinquante justes qui sont au milieu d'elle? 25 Faire mourir le juste avec le méchant, en sorte qu'il en soit du juste comme du méchant, loin de toi cette manière d'agir! loin de toi! Celui qui juge toute la terre n'exercera-t-il pas la justice? 26 Et le SEIGNEUR dit: Si je trouve dans Sodome cinquante justes au milieu de la ville, je pardonnerai à toute la ville, à cause d'eux. 27 Abraham reprit, et dit: Voici, j'ai osé parler au Seigneur, moi qui ne suis que poudre et cendre. 28 Peut-être des cinquante justes en manquera-t-il cinq: pour cinq, détruiras-tu toute la ville? Et le SEIGNEUR dit: Je ne la détruirai point, si j'y trouve quarante-cinq justes. 29 Abraham continua de lui parler, et dit: Peut-être s'y trouvera-t-il quarante justes. Et le SEIGNEUR dit: Je ne ferai rien, à cause de ces quarante. 32 Abraham dit: Que le Seigneur ne s'irrite point, et je ne parlerai plus que cette fois. Peut-être s'y trouvera-t-il dix justes. Et le SEIGNEUR dit: Je ne la détruirai point, à cause de ces dix justes. |
Décrypter le texte Regarder de près les motifs invoqués par Abraham lors de son intercession pour Sodome et Gomorrhe peut nous surprendre :
Constatons alors que le texte lui-même donne des éléments pour l’interpréter justement si nous acceptons de ne pas projeter sur lui nos préoccupations actuelles. Ici, le simple relevé des motifs mis en avant par Abraham suffit à montrer comment les auteurs bibliques conçoivent l’action de Dieu : comme le déploiement de sa justice, même s’ils ne conçoivent pas celle-ci comme nous. |
33 Le SEIGNEUR s'en alla lorsqu'il eut achevé de parler à Abraham. Et Abraham retourna dans sa demeure. |
Marchandage ou théologie Pourquoi Abraham s’est-il arrêté de parler avec le Seigneur une fois qu’il a obtenu sa promesse de ne pas détruire Sodome si dix justes se trouvaient en ses murs ? Cela restera une question. |
Qu’est-ce qui aurait changé si Abraham avait su – comme nous – qu’il allait accueillir le Seigneur ?
Alors ? Elémentaire ! La confidence que nous font les auteurs nous met à même de nous rendre compte de la générosité d’Abraham, celui que le Seigneur a choisi et pour lequel l’épitre aux Hébreux dira : « N’oubliez pas l’hospitalité, car grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges » (13,2). Elle nous invite aussi à une disponibilité particulière au texte : si le Seigneur vient ainsi à Abraham, cela avertit le lecteur de s’attendre à un événement d’importance ; il est alors mûr pour entendre l’annonce réitérée d’une descendance. A travers cela, ce qui nous est aussi donné, c’est un témoignage rare de l’art consommé des écrivains bibliques. |
Pour réfléchir...
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